« Ce sont des lâches » : l’écœurement des fidèles après la découverte de têtes de cochon devant des mosquées
Des têtes de cochon ont été déposées devant plusieurs lieux de culte musulmans à Paris et en petite couronne, dans la nuit de ce lundi 8 à ce mardi 9 septembre. Les fidèles de la mosquée Ar-Rahma, dans le XVe arrondissement, oscillent entre indignation et volonté d’ignorer ces provocations.

Arrivés dans la rue Javel à vélo, trois policiers municipaux s’arrêtent devant le bâtiment en brique blanche qui abrite la mosquée Ar-Rahma. Située dans le XVe arrondissement de la capitale, elle fait partie des neuf lieux de culte musulmans recensés — 4 à Paris et 5 en petite couronne, qui ont été la cible d’un acte islamophobe et manifestement coordonné dans la nuit de lundi à mardi : une tête de cochon — animal considéré comme impur dans l’islam — a été déposée devant la mosquée avant la première prière de la journée.
« Ils font ça à 4 heures du matin quand il y a personne dans la rue et pas en plein jour. Ce sont des lâches », peste Hafid, un fidèle. Une enquête pour « provocation à la haine aggravée par la discrimination en raison de l’appartenance à une race ou religion » a depuis été ouverte le parquet de Paris qui a confié les investigations à la bridage criminelle de la police judiciaire. Face au caractère simultané de l’action, le préfet de police de Paris n’écarte pas la piste d’une opération commanditée depuis l’étranger.
« On ne peut s’empêcher de faire des rapprochements avec des actions précédentes qui ont eu lieu, souvent la nuit, et (…) dont il a été avéré que c’était des actions d’ingérence étrangère », estime Laurent Nuñez. Et d’assurer que « tout est mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ces actes abjects ».
Outre quatre mosquées dans la capitale, des lieux de culte de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Malakoff, Montrouge (Hauts-de-Seine) et Gentilly (Val-de-Marne) ont été visés. « Je n’exclus pas d’ailleurs qu’on en découvre d’autres », indique le préfet de police.
« Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? »
Du côté des fidèles rencontrés devant la mosquée Ar-Rahma, ce mardi après-midi après la deuxième prière de la journée, certains préfèrent ne peut pas donner de crédit à l’affaire. « Bien sûr que c’est grave, réagit Salah. Mais malheureusement, aujourd’hui toutes les religions sont touchées. À titre personnel, je ne me sens pas visé. Et ils peuvent mettre deux têtes de cochon s’ils veulent, je viendrai toujours prier ici. »
« Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? interroge un autre jeune vêtu d’une djellaba blanche. On ne va pas réagir à ce genre de choses car c’est ce que cherchent ces gens. Le mieux à faire est de les ignorer et de continuer à prier. »

D’autres tiennent toutefois à dénoncer la multiplication des actes antimusulmans. Selon les données du Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE), 1 037 faits islamophobes ont été documentés en 2024, soit une hausse de 25 % par rapport à 2023.
« Ce n’est pas normal dans un pays avec une telle richesse culturelle comme la France. Il faut tous qu’on arrive à vivre ensemble », souffle un croyant. Et Hafid d’ajouter : « La laïcité, c’est aussi pour nous d’avoir le droit de pratiquer notre religion sans avoir à subir ce genre de choses. Notre communauté est régulièrement touchée et j’ai parfois l’impression que nous sommes délaissés. »
« Des actes ignobles »
Dénonçant « une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane », le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, assure avoir reçu le soutien d’Emmanuel Macron qui l’a appelé pour « exprimer sa pleine solidarité avec les musulmans de France à la suite des actes ignobles ».
« Le président de la République a tenu à faire part de son soutien absolu aux fidèles des mosquées touchées, assurant que tous les moyens seraient mis en œuvre pour retrouver les coupables et soutenir la protection des lieux de culte », rapporte Chems-eddine Hafiz dans un communiqué, précisant qu’une « réunion exceptionnelle » du Forum de l’islam de France « sera organisée, en conséquence, dans les meilleurs délais ».
Au niveau local, ces actes n’ont pas manqué de faire réagir. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a indiqué que la Ville avait d’ailleurs saisi la justice. « Je condamne fermement cet acte inqualifiable et apporte évidemment mon soutien à la communauté musulmane », a réagi, de son côté, Philippe Goujon, maire (LR) de du XVe arrondissement qui s’est rendu à la mosquée Ar-Rahma dans la matinée. Et l’élu de rappeler qu’ « il y a plein de caméras dans le secteur ».
En France, ce n’est pas la première fois que des lieux de culte musulmans sont victimes de tels faits. Le 10 mars 2024, à la veille du ramadan, une tête de porc avait été découverte devant la mosquée turque de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. En 2019, c’est sur le chantier de la future mosquée de Bergerac (Dordogne) que des murs avaient été badigeonnés de sang animal et une tête de porc accrochée à la porte d’entrée.






