Coups de barre de fer, de câbles, claques… Le séjour cauchemardesque de jeunes footballeurs de Clichy en Espagne

Quatre animateurs de club de foot de Clichy étaient jugés, ce lundi, par le tribunal correctionnel de Nanterre, pour des violences infligées à des adolescents qui avaient 14 ans, lors d’un tournoi en Espagne, en juin 2024. Jusqu’à deux ans de prison ont été requis.

Quatre animateurs ont fait subir des violences à des adolescents du club de Clichy lors d'un séjour sportif en Espagne, notamment à l'aide de câbles de téléphone utilisés comme un fouet. DR
Quatre animateurs ont fait subir des violences à des adolescents du club de Clichy lors d'un séjour sportif en Espagne, notamment à l'aide de câbles de téléphone utilisés comme un fouet. DR

Du haut de ses 15 ans, Rudy (les prénoms des adolescents, mineurs, ont été changés) ne se démonte pas à la barre du tribunal. Il est impressionné, un peu ému aussi, mais reste concentré et précis. L’adolescent raconte les violences subies lors d’un déplacement en Espagne de son club de foot, l’Union sportive et amicale de Clichy, en juin 2024. Des violences à l’encontre de Rudy et trois autres gamins, tous âgés de 15 ans maintenant, dont quatre animateurs du club de foot répondaient ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Dès le lendemain de l’arrivée des jeunes et de leurs animateurs en Espagne, près de Barcelone, ça se passe mal. Quand des gamins jettent des bombes à eau par la fenêtre de leur chambre d’hôtel, certains des animateurs perdent déjà leurs nerfs. « Mady, il m’a mis par terre dans la salle de bains, il m’a mis des claques », raconte Rudy.

Le lendemain, dans leur chambre, Rudy et ses camarades de foot et de chambrée regardent d’anciens matchs auxquels ils ont participé. Selon son récit, deux animateurs entrent. « Ils nous mettaient des grandes claques dans le dos quand il y avait des passes ratées et des mauvaises actions. »

Un coude fracturé

Vu la carrure de trois des animateurs poursuivis, les claques laissent des traces, comme l’attestent les photos des blessures des victimes. « J’ai vu mes copains se faire frapper, j’ai pleuré, reprend Rudy. Amar, il a vomi parce qu’il avait pris un coup. Après, il y a eu la journée au parc aquatique. On s’amusait dans les toboggans, il y avait un groupe d’Espagnols, on s’est embrouillés avec eux, on ne comprenait pas ce qu’ils disaient. Et après, l’agent de sécurité est venu parce qu’une fille disait qu’on l’avait touchée. »

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La police locale est d’ailleurs intervenue, certains ont été conduits au commissariat. « Après, dans le car, Isidore s’est fait taper. Ils l’ont roué de coups. »

Après Rudy, Isidore raconte. « Choub (surnom d’un des animateurs) m’a frappé. Il voulait que je dise que j’ai touché la fille mais je ne l’avais pas touchée. Il a sauté sur moi, il m’a dit de me mettre en caleçon, il m’a tapé. »

De retour à l’hôtel, les ados sont réunis dans une chambre, « la 147 », a précisé Rudy. S’ensuit une scène très violente, avec coups de barre de fer — une tringle de dressing — et de câbles. Une scène filmée qui montre certains des animateurs regarder les autres donner les coups ou en donner.

Les câbles de téléphone pliés sont utilisés comme un fouet, qui marque profondément les dos, les fesses des gamins. Frappé avec la tringle du dressing à plusieurs endroits du corps, Isidore aura le coude fracturé.

Seul un prévenu pose un regard critique sur ses actes

Un autre des jeunes joueurs détaille « le jeu du bras de fer ». Une partie de bras de fer avec coups pour le perdant, assénés par un animateur. « Que des petites tapes, c’est le jeu », explique l’un d’eux, Mady K, avec l’air de ne pas comprendre qu’un tel « jeu » ne soit pas un jeu. Cet animateur de 25 ans semble ne pas saisir non plus la raison de sa présence devant le tribunal.

Mohamed E. paraît sur la même ligne. Il n’a pas donné la moindre claque, semble ne pas prendre la mesure de ce qu’il s’est passé. Comme Mamadou K., le plus âgé des quatre prévenus, qui était là comme « référent sécurité ». À l’entendre, les adolescents l’accusent de violence parce qu’ils étaient « frustrés d’être en équipe B ». Et après tout, « à part le dernier soir, il s’est bien passé, le voyage », selon lui.

Le dernier des quatre prévenus, Smith K., est le seul à poser un regard plus critique sur ses actes. « Ce que j’ai fait était inadapté », reconnaît-il à plusieurs reprises, sans reconnaître exactement ce qui lui est reproché. Il admet avoir « molesté » un des gamins dans l’autocar, réfute avoir frappé quiconque avec la tringle du dressing. « La barre de fer, c’est les jeunes qui l’avaient prise. » Ce qu’il admet plus volontiers, c’est son « incapacité à gérer la situation » lors de ce voyage qui s’est « très mal passé ».

Les avocats des adolescents ont plaidé « la lâcheté » des prévenus, la « gravité de cette violence gratuite » dans cette affaire « très inquiétante ». Les peines requises vont d’un an d’emprisonnement avec sursis à deux ans ferme, dont la moitié avec sursis pour deux des prévenus. Et pour tous, l’interdiction d’exercer toute activité avec des mineurs pendant cinq ans. Le jugement sera rendu le 29 septembre.