Couvre-feu à l’aéroport d’Orly : pourquoi des maires et associations attaquent l’arrêté du ministre

Dans sa décision parue le 9 juillet, le ministre des Transports a refusé d’avancer l’horaire du couvre-feu afin de réduire le bruit le soir autour d’Orly. Sept communes survolées et des associations de riverains ont saisi le Conseil d’État.

Aéroport Paris-Orly. Les avions pourront continuer de décoller jusqu'à 23h30 selon l'arrêté publié le 9 juillet, contrairement à ce que demandaient riverains et élus. LP/Marine Legrand
Aéroport Paris-Orly. Les avions pourront continuer de décoller jusqu'à 23h30 selon l'arrêté publié le 9 juillet, contrairement à ce que demandaient riverains et élus. LP/Marine Legrand

Touchés, mais pas coulés. Les riverains de l’aéroport Paris-Orly ne s’avouent pas vaincus dans leur bataille pour réduire le bruit le soir, tenter de mieux dormir la nuit et préserver ainsi leur santé.

Sept communes du Val-de-Marne et de l’Essonne survolées par les avions orlysiens attaquent l’arrêté du ministre des Transports Philippe Tabarot, paru le 9 juillet : Ablon-sur-Seine, Champlan, Janvry, Sucy-en-Brie, Villeneuve-Saint-Georges, Villeneuve-le-Roi et Yerres.

Elles viennent de déposer une requête devant le Conseil d’État via le cabinet d’avocat de Corinne Lepage, ex-ministre de l’Environnement. Des associations de riverains doivent également déposer une requête prochainement.

Une mesure jugée trop coûteuse pour les compagnies aériennes

L’arrêté ministériel attaqué devait détailler la façon de restreindre l’exploitation de l’aéroport afin de réduire le bruit de 6 dB le soir et se conformer ainsi à l’objectif légal fixé par le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) d’Orly 2018-2023.

La solution prônée par une majorité d’élus et habitants durant la consultation publique était de démarrer le couvre-feu dès 23 heures contre 23h30 actuellement. Mais Philippe Tabarot et son prédécesseur François Durovray – qui lui avait préparé la copie – ont refusé de toucher aux horaires.



La mesure serait trop coûteuse pour les compagnies aériennes : 156 millions d’euros par an selon une étude. Ils préfèrent interdire les avions les plus bruyants après 22 heures et miser sur le renouvellement des flottes.

Un nouvel arrêté « plus permissif que l’ancien » ?

« L’arrêté méconnaît les avis scientifiques, ignore les délibérations démocratiques quasi unanimes, repose sur des évaluations économiques et acoustiques biaisées, ignore le volet sanitaire et, sous couvert de réduction de bruit, change une réglementation ancienne qui devient aujourd’hui encore moins protectrice », tempête Didier Gonzales (LR), le maire de Villeneuve-le-Roi.

Selon lui, le nouvel arrêté ministériel « est plus permissif que l’ancien ». « Par exemple, depuis 1968, aucun avion ne pouvait décoller après 23h30. Désormais, aucun ne pourra quitter son parking après 23h15. Les avions pourraient donc se mettre en file d’attente près de la piste et décoller allègrement après 23h30. C’est une erreur manifeste d’appréciation.

« Défaut de transparence » et « manque d’information du public »

Les maires ont ciselé leurs arguments dans leur requête. « L’arrêté ne respecte pas les engagements de l’État car il ne permet pas d’atteindre l’objectif de réduction du bruit de six décibels en période nocturne, tel que fixé dans le PPBE. Il y a aussi un défaut de transparence et un manque d’information du public : parmi les trois solutions envisagées dans l’étude d’impact, seule une seule a été soumise à la consultation publique. »

L’arrêté ne prend pas en compte les conséquences sanitaires du bruit : « Il ne cite que l’impact économique. Et il s’assoit sur la mobilisation des associations, de l’agence régionale de santé (ARS), de l’Académie de médecine, de 250 élus dont le président du Sénat, etc. », s’indigne l’édile de Villeneuve-le-Roi.

Une mise en application au 1er janvier 2029

Le texte du ministère comporterait même des erreurs : il soutient que 18 avions seraient concernés chaque nuit en moyenne si le couvre-feu démarrait à 23 heures, d’où le coût élevé pour les compagnies. « Or, seuls 6 mouvements d’aéronefs se produisent en moyenne sur le créneau 23 heures-23h30 par nuit, soit trois fois moins », rappelle Bruitparif.

Le document doit entrer en application au 1er janvier 2029. « On est bien loin de l’urgence sanitaire liée aux nuisances aériennes », regrette Didier Gonzales.

Le coût social du bruit aérien d’Orly s’élève à 1,65 milliard d’euros chaque année, selon l’Ademe : maladies, sommeil perturbé, perte de productivité, difficultés d’apprentissage… « À mettre dans la balance avec les 156 millions d’euros » de coût pour les compagnies en cas de couvre-feu dès 23 heures, insistait l’ARS durant la consultation publique.