Dans les comptes de Guénaèle, notaire : « J’ai pu faire des mois à plus de 15 000 euros »
Notaire depuis 20 ans, Guénaèle a conscience que sa profession est « très bien rémunérée ». Mais elle rappelle que son métier ne consiste pas seulement à signer des dossiers mais demande une forte implication humaine et peut engendrer beaucoup de stress.

L’une des choses que préfère Guénaèle* dans son métier de notaire, « c’est la vraie relation de confiance qui se met en place avec les clients, raconte-t-elle. Il y a vraiment le côté confident des familles, les gens savent qu’on est tenu au secret professionnel et dans nos bureaux on entend des choses très intimes. On a une accroche humaine qui se fait, c’est un métier très épanouissant. »
Pour devenir notaire, Guénaèle, aujourd’hui âgée de 44 ans, a fait sept ans d’études. Une fois diplômée, elle est devenue notaire assistante, le premier échelon. « On a la connaissance mais on n’a pas été nommée officiellement par le garde des Sceaux pour avoir l’autorité de recevoir des actes. Donc en gros, on fait tout comme le notaire sauf qu’on n’a pas le droit de recevoir la signature du client ».

Pour passer au stade supérieur, il est possible de racheter des parts d’un office notarial et de passer notaire associé. « Ça coûte extrêmement cher, c’est plusieurs centaines de milliers d’euros selon les chiffres d’affaires des offices », explique Guénaèle. Dans certaines régions, « pour avoir 30 % d’une étude on est en moyenne entre 500 et 700 000 euros. Donc soit vous avez gagné au loto, soit vous avez une fortune personnelle colossale, soit vous faites un prêt avec d’énormes mensualités. Malheureusement, ce n’est pas ouvert à tout le monde ».
Elle, elle est passée par la case « notaire salarié » : « Vous faites tout comme le notaire, la seule différence c’est qu’à la fin du mois vous avez un salaire fixe, vous ne touchez pas les dividendes de l’entreprise. »
Les notaires associés « peuvent gagner jusqu’à 40 000 euros par mois »
Pendant ses années de salariat, Guénaèle est montée à 4 200 euros net par mois, « sans les primes » précise-t-elle. Et ces gratifications supplémentaires peuvent grimper haut. « J’ai eu jusqu’à l’équivalent de deux mois de salaire », affirme-t-elle. De l’argent versé au mois de décembre avec le 13e mois. « Donc, j’ai pu faire des mois à plus de 15 000 euros. On ne va pas mentir, c’est très bien rémunéré ». Mais elle précise qu’on « ne retrouve pas cela dans toutes les entreprises, dans certaines études, il n’y a pas du tout ces primes. »
Il est également possible de toucher un complément de salaire si on ramène un dossier. Dans une précédente étude, « le patron vous rétrocédait 10 % des émoluments de notaire », explique Guénaèle. « Sur une vente immobilière de 200 000 euros : le notaire va toucher à peu près 1 000 euros, donc vous touchez 100 euros derrière », détaille-t-elle.
« La standardiste, son mari était agent immobilier, donc elle se faisait des mois assez sympathiques grâce à ces primes d’apport », raconte Guénaèle, qui a aussi profité de ce système. « Il y a eu des mois ou je doublais mon salaire en net grâce à mes commissions, confie-t-elle. J’avais des clients très aisés donc je rentrais des ventes à plus d’1,5 million d’euros, ça faisait facilement 900, 1 000 euros de prime ».
Elle souligne que les notaires associés, dans les études qui fonctionnent bien, « peuvent gagner jusqu’à 40 000 euros par mois, alors il y a un gap avec les salariés ». Mais d’autres sont plus en difficulté. « J’ai un collègue qui a racheté une petite étude en Ardèche et qui arrive à peine à se payer un smic à la fin du mois, entre son endettement, le loyer, les salaires de ses collaborateurs… »
Un emprunt de 250 000 euros
Cela ne fait pas peur à Guénaèle, qui s’apprête à lancer son propre office, après avoir été tirée au sort. Ce système, mis en place par Emmanuel Macron, « permet à des gens qui n’ont pas de trésorerie d’obtenir la création de leur étude ». Pour s’installer, il faut tout de même débourser des sommes conséquentes.
Les notaires dépendent de logiciels sécurisés pour effectuer les paiements et construire les actes, des programmes qui « coûtent extrêmement cher. Je fais des devis en ce moment et pour trois postes on est sur 40 000 à 60 000 euros », pointe-t-elle. « Il y a aussi besoin d’une trésorerie de plus de 200 000 euros parce qu’entre le moment où on rentre un acte et où il est payé, il s’écoule entre trois et six mois. On est obligé d’avoir une avance ». Sans compter les locaux, l’embauche de collaborateurs, les assurances…
Guénaèle, qui est propriétaire de sa maison, a donc fait un emprunt de 250 000 euros et va utiliser 350 000 euros, « un apport familial », pour acheter des locaux.
Les prochains mois risquent d’être chargés pour la notaire, qui ne comptait déjà pas ses heures en tant que salarié. « Je bossais de 9 heures à 18 heures, le soir je rallumais l’ordinateur à 21 heures et je travaillais jusqu’à 2 heures du matin », raconte-t-elle. « Le week-end, je bossais facile deux à trois heures par jour et même en vacances je regardais mon ordinateur pour voir s’il n’y avait pas une urgence », explique-t-elle. « Les dossiers ne partent pas en congés, on peut avoir l’appel d’une famille dont le grand-père va décéder et il faut venir rapidement rédiger un testament ».
Elle assure toutefois ne jamais oublier sa vie privée. « Je suis épouse, mère d’une adolescente de 15 ans, je fais du sport… Je ne pourrais pas mettre tout cela de côté. »
« On ne fait pas que signer des papiers »
Celle qui a choisi ce métier pour l’humain confie que « moralement cela peut être compliqué, on prend les problèmes des gens pour soi, la frontière est parfois difficile à établir ». À cela se rajouter le stress de faire une erreur dans un acte, qui pourrait entraîner de graves conséquences pour le client, mais aussi pour la notaire.
« On ne fait pas que signer des papiers, c’est quand même très lourd. Les actes de propriété, par exemple, ça peut faire 200, 300 pages ! On a des clignotants qui sont allumés à chaque étape », souligne-t-elle, ajoutant « qu’heureusement ça ne m’est jamais arrivé de faire une grosse erreur ».
« C’est stressant mais notre formation est longue, on ne se retrouve pas à la barre du bateau du jour au lendemain. » Les notaires sont ainsi contraints de faire au moins une formation par an et s’informent en permanence sur les évolutions législatives, fiscales et juridiques qui impactent leur travail.
« Et en fonction de son expérience, on peut aussi se dire : ce sujet, je peux le faire, celui-là non ». Guénaèle ne traite par exemple pas les sujets comme les successions, « il y a une réglementation très poussée fiscalement parlant et c’est une gymnastique que je n’aime pas ». De plus, « quand vous avez un décès, les gens se tapent dessus pour récupérer des choses. On voit de la bassesse, de la noirceur et ça m’insupporte ».
« Je n’envisage pas de faire autre chose »
Elle s’est spécialisée en droit immobilier et de l’environnement, ce qui lui permet de faire des dossiers « un peu originaux avec des éoliennes, des conseils pour des ONF (Office national des forêts)… On va par exemple rédiger des conditions générales de société qui implantent des panneaux photovoltaïques. On n’est pas nombreux en France à avoir cette labellisation-là ».
Guénaèle ne se voit pas arrêter le notariat dans les prochaines années. « Humainement, c’est vraiment mon métier, je suis notaire intrinsèquement, je n’envisage pas de faire autre chose. » Avec plus de 20 ans d’exercice, elle est confiante dans l’avenir de son office, ses clients ayant promis de la suivre. « De l’activité, je vais en avoir dès l’ouverture. L’objectif est qu’à un an d’exercice, je puisse me payer autant qu’en notaire salariée, donc 4 000 euros mensuels ».





