Démission de François Bayrou : « En Italie, on a toujours associé la France à une certaine stabilité politique »

Les médias italiens suivent de très près la crise politique française. Stefano Montefiori, correspondant à Paris pour le quotidien Il Corriere Della Serra, analyse le « chaos » évoqué en une de son journal, mardi.

En Italie, la crise politique en France fait la une de tous les journaux. «Parce que, chez nous, le système politique français est vu comme un modèle, avec un gouvernement clair, une possibilité d’alternance. À l’opposé de l’Italie», observe Stefano Montefiori. Istock
En Italie, la crise politique en France fait la une de tous les journaux. «Parce que, chez nous, le système politique français est vu comme un modèle, avec un gouvernement clair, une possibilité d’alternance. À l’opposé de l’Italie», observe Stefano Montefiori. Istock

« Bayrou désapprouvé. Le gouvernement s’écroule. La France dans le chaos. » Par ces mots, la crise politique française s’affiche en une du Corriere Della Sera, ce mardi. Les quatre premières pages du principal quotidien italien (centre-droit) sont consacrées au sujet : la chute du gouvernement, les blocages prévus ce mercredi, le rôle à jouer d’Emmanuel Macron dans cette crise… Stefano Montefiori, le correspondant du journal à Paris depuis 2010, livre le point de vue du voisin italien sur la situation.

Comment la crise politique française est-elle perçue en Italie ?

STEFANO MONTEFIORI. La crise est en une de tous les journaux. En Italie, on a toujours associé la France à une certaine stabilité politique. D’ailleurs, quand Giorgia Meloni, la présidente du Conseil, avait été élue en 2022, elle avait cité la France en exemple, dans son premier discours. Parce que, chez nous, le système politique français est vu comme un modèle, avec un gouvernement clair, une possibilité d’alternance. À l’opposé de l’Italie où, avant cette stabilité qu’on connaît depuis trois ans, les gouvernements changeaient tous les six mois. La France n’est plus habituée à l’instabilité.

Stefano Montefiori est le correspondant du quotidien italien Il Corriere Della Sera à Paris depuis 2010. DR
Stefano Montefiori est le correspondant du quotidien italien Il Corriere Della Sera à Paris depuis 2010. DR

La démission de François Bayrou, qui avait accusé l’Italie de « dumping fiscal » la semaine dernière, est-elle raillée ?

Non, ce n’est plus le sujet. L’opinion n’a pas d’animosité à l’égard de François Bayrou à cause de cette phrase. Les intérêts des deux pays sont très proches. Il arrive qu’il y ait des petites disputes entre les deux. Bayrou a provoqué la dernière. Désormais, c’est un peu passé.

Le chef de la diplomatie italienne, Antonio Tajani, a déclaré lundi, qu’il « espérait » une issue « le plus vite possible », s’inquiétant des répercussions sur l’Europe. Sa crainte est-elle partagée ?

L’intérêt est fort dans l’opinion publique. La France est tout près de l’Italie, des Italiens y ont de la famille. Surtout en ce moment, elle est en première ligne d’un point de vue diplomatique, notamment sur l’Ukraine. C’est un paradoxe : au moment où l’Europe semble avoir pris conscience des enjeux, où les leaders parviennent à se réunir, ils font aussi face à des problèmes dans leur pays.

Longtemps, l’Italie a été taxée « d’homme malade de l’Europe ». Aujourd’hui, la dette s’envole en France. Les rôles se sont inversés ?

Je suis désolé pour la France. Les médias italiens soulignent le fait que les emprunts des dettes publiques ont aujourd’hui le même coût qu’en Italie. Alors qu’à une époque, emprunter était bien plus coûteux pour les Italiens que pour les Français ou les Allemands. C’était une obsession quotidienne.



Comment les blocages, prévus ce mercredi, sont traités chez vous ?

On se souvient parfaitement du mouvement des Gilets jaunes. Il avait d’ailleurs provoqué une crise diplomatique avec l’Italie après le soutien public du chef de la diplomatie italienne de l’époque, Luigi Di Maio, aux manifestants. L’ambassadeur français à Rome avait même été rappelé par la France. Cela n’aura pas lieu cette fois, le gouvernement italien a changé. Ce nouveau mouvement débute, difficile de se projeter. Mais on sent la même déception, la même défiance vis-à-vis de la classe politique française. Peut-être même qu’elle est montée d’un cran.

Depuis l’Italie, la France renvoie-t-elle une image de chaos ?

J’ai écouté le discours de François Bayrou devant l’Assemblée nationale. On aurait dit le bilan d’une catastrophe. À l’écouter, la France était au bord du gouffre. Je ne veux pas jouer l’Italien blasé qui a vu pire, ni minimiser les problèmes de la France. Je sais bien qu’il y a des gens qui ont du mal à régler leurs fins de mois. Mais je ne pense pas que le pays soit dans une situation plus désastreuse que d’autres.