Des têtes de cochon découvertes devant neuf mosquées à Paris et en Île-de-France, une enquête ouverte
Ce mardi matin, des fidèles se rendant à la prière matinale ont trouvé des têtes de cochon devant neuf mosquées, à Paris et en petite couronne. Le préfet de police a dénoncé des actes « abjects » et ouvert une enquête. La Ville de Paris indique avoir saisi la justice.
À l’aube de ce mardi 9 septembre, la sidération s’est invitée aux portes de plusieurs mosquées de Paris et sa banlieue, où des têtes de cochon, animal considéré comme impur par l’islam, ont été découvertes sur la voie publique trottoir. Ces actes, qualifiés d’« abjects » par le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, visent de manière délibérée la communauté musulmane.
« On a constaté que des têtes de cochons avaient été déposées devant certaines mosquées. 4 à Paris et 5 en Petite Couronne. Ce qui fait un total de 9 à date au moment où on se parle. Je n’exclus pas d’ailleurs qu’on en découvre d’autres », a annoncé le préfet de police Laurent Nuñez.
Le parquet de Paris confirme que des têtes de cochon ont été découvertes devant ces neuf mosquées :
- Mosquée (salle de prière de Javel), 47 rue de Javel (XVe)
- Mosquée Khalid Ibn Al-walid, 28 rue Myrha (XVIIIe)
- Mosquée, 55 rue Stephenson (XVIIIe)
- Mosquée Anwar El-Madina, 17 rue Etienne Marey (XXe)
- Mosquée Islah, 70 rue des Sorins, Montreuil (Seine-Saint-Denis)
- Mosquée, 64 rue Jean Lolive, Montreuil (Seine-Saint-Denis)
- Mosquée (Union des musulmans de Malakoff), 1 rue Avaulée, Malakoff (Hauts-de-Seine)
- Mosquée de Montrouge sise 51 rue Racine, Montrouge (Hauts-de-Seine)
- Mosquée, 40 rue Gabriel Peri, Gentilly (Val-de-Marne)
« Macron » inscrit sur la tête
Selon des sources policières, la première découverte macabre a eu lieu à 5h30 dans le XXe arrondissement de Paris. Des fidèles qui se rendaient à la prière matinale ont trouvé une tête de cochon posée sur le sol badigeonné d’encre bleutée devant l’entrée de la mosquée Anwar El-Madina, rue Étienne-Marey. L’exploitation des caméras de vidéosurveillance a permis d’identifier un homme de type européen, vêtu de noir et muni d’un sac à dos noir et d’un gros sac blanc.
Sur les images, l’individu fait un premier passage devant la mosquée, continue son chemin puis fait demi-tour quelques mètres plus loin pour revenir sur ses pas. C’est à ce moment-là, à 4h39 exactement, qu’il ouvre le grand sac en sa possession et dépose la tête d’un cochon.
Simultanément, à Montreuil, un acte similaire aurait été perpétré devant la mosquée Islah, située rue des Sorins, nous informe une source proche du dossier. Là encore, des fidèles découvraient une tête de cochon à 5h30, mais cette fois-ci portant l’inscription « Macron » en lettres majuscules sur l’animal. Le Parquet de Paris confirme de son côté que, « sur l’un des lieux le mot Macron a été peint en bleu ».
La mosquée Islah de la rue des Sorins est la plus importante des trois mosquées de Montreuil. Une source policière indique qu’elle n’avait jamais fait l’objet de menace : « Il n’y a eu aucun signe avant-coureur », indique notre interlocuteur. Elle est « particulièrement fréquentée » et « ne fait pas parler d’elle ». La tête de cochon frappé du nom du président de la République pourrait provenir selon les premières constatations d’une boucherie. « En tout cas, on ne venait pas de décapiter un cochon. Il n’y avait pas de traces de sang ».
Possible ingérence étrangère
Du côté de Malakoff, la tête du cochon aurait été déposée aux alentours de 5h22 selon les vidéos surveillances sur place indique Me Ben Ali, avocat de la mosquée. « L’homme portait un masque chirurgical ainsi qu’un béret pour ne pas être reconnu », décrit-il. « Les fidèles et représentants de la mosquée sont très attristés et touchés par ces actes. Et il y a forcément un peu de peur qui s’installe », déplore l’avocat qui indique que les représentants de la mosquée doivent être auditionnés en début d’après-midi.
Pour l’avocat, il ne fait pas de doute que ces actes ont été commis de manière organisée et par plusieurs personnes distinctes. « On pensait qu’il s’agissait d’une seule personne ce matin mais au vu de nombre de mosquées touchées et de la distance ça paraît impossible. D’autant que l’homme portait un sac qui ne pouvait contenir qu’une ou deux têtes de porc maximum », estime l’avocat.
Une supposition confirmée par le préfet de police lors de sa prise de parole « Il est évident quand même qu’une action d’une telle ampleur, menée simultanément forcément par plusieurs personnes, on a quelques vidéos sur certains lieux où ces têtes de cochons ont été déposées, il est évident qu’une telle action interroge. (…) On ne peut s’empêcher de faire des rapprochements avec des actions précédentes qui ont eu lieu, souvent la nuit, et qui étaient des actions dont il a été avéré que c’était des actions d’ingérence étrangère », estime Laurent Nuñez.
« Le contexte actuel d’extrême tension est propice à tous les enflammements. On ne sait pas encore si les faits sont purement racistes où s’ils sont une nouvelle tentative de manipulation étrangère comme on en a connu récemment comme avec les mains rouges au Mémorial de la Shoah et les étoiles de David… Ce qui est certain c’est qu’il faut s’assurer à tout prix qu’il y aura des condamnations en justice », estime le maire de Paris Centre, Ariel Weil, qui fait le parallèle entre cette affaire et l’attaque antisémite qui a été perpétuée il y a quelques jours à peine dans un tiers lieu associatif de Paris Centre.
« Actes abjects »
« Tout mon soutien aux responsables et aux fidèles des mosquées touchées par ces provocations insupportables. S’en prendre à des lieux de culte est d’une lâcheté insondable », a pour sa part déclaré sur la même plateforme le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a également fait part de son « indignation » au micro de BFM. Emmanuel Macron a exprimé son « soutien » à la communauté musulmane, a fait savoir son entourage.
Ce matin tôt, des têtes de cochon ont été découvertes sur la voie publique devant l'entrée de plusieurs mosquées de l'agglomération. Une enquête a immédiatement été ouverte. Tout est mis en œuvre pour retrouver les auteurs de ces actes abjects. pic.twitter.com/h08ufL97pj
— Laurent Nuñez (@NunezLaurent) September 9, 2025
« Ça suffit ! », s’est exclamée dans la foulée la maire de Paris, Anne Hidalgo, par voie de presse. « Face à ces ignobles agissements, la Ville de Paris saisit la justice. Toute ma solidarité avec la communauté musulmane », a indiqué l’édile. Le maire du XVe arrondissement, Philippe Goujon, a lui aussi réagit sur X. L’élu indique condamner « fermement » cet acte « inqualifiable » et écrit apporter son soutien à la communauté musulmane.
Le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a dénoncé de son côté « une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane ».
« La Grande Mosquée de Paris condamne avec la plus grande fermeté les actes islamophobes perpétrés cette nuit », qui « visent à diviser notre communauté nationale », a affirmé dans un communiqué M. Hafiz, appelant « à une prise de conscience et à une solidarité nationale contre cette trajectoire de péril ».
« La brigade criminelle de la préfecture de police de Paris a été saisie d’une enquête pour provocation à la haine aggravée par la discrimination en raison de l’appartenance à une race ou religion », indique le parquet de Paris.
Ces profanations s’inscrivent dans un contexte préoccupant d’actes antimusulmans en France. Selon les données du Collectif contre l’Islamophobie en Europe (CCIE), 1 037 faits islamophobes ont été documentés en 2024, soit une hausse de 25 % par rapport à 2023. Le ministère de l’Intérieur, qui a comptabilisé 173 actes en 2024, reconnaît toutefois que ces chiffres sont probablement sous-estimés, de nombreuses victimes ne portant pas plainte.
Des incidents similaires ont déjà été signalés par le passé. Le 10 mars 2024, à la veille du ramadan, une tête de porc a été découverte devant la mosquée turque de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. En mars 2019, c’est sur le chantier de la future mosquée de Bergerac que des murs avaient été badigeonnés de sang animal et une tête de porc déposée sur la porte d’entrée.









