Drogues dures, coups de poings, corps démembré : trois marginaux jugés à Metz dans l’affaire du « cadavre au barrage »

La nuit d’horreur s’était terminée par la mort d’un homme de 54 ans, handicapé, dont la dépouille sera ensuite mutilée et jetée dans la Moselle.

Devant la cour d’assises de Metz, les trois suspects seront respectivement jugés pour meurtre, recel de cadavre et d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, et non-assistance à personne en danger. PhotoPQR/L'Est Républicain/MAXPPP
Devant la cour d’assises de Metz, les trois suspects seront respectivement jugés pour meurtre, recel de cadavre et d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, et non-assistance à personne en danger. PhotoPQR/L'Est Républicain/MAXPPP

L’affaire du « cadavre au barrage », comme l’a appelé la presse locale, commence le 13 décembre 2021 avec la découverte d’une dépouille mutilée, au niveau du barrage de la centrale hydroélectrique d’Argancy, en Moselle, non loin de Metz. Alors qu’ils procèdent à des opérations de nettoyage du dégrilleur, les techniciens aperçoivent flottant à la surface différents sacs-poubelles. À l’intérieur, découpé en morceaux, les restes d’un homme dont les jambes ont été séparées du reste du corps. Le visage présente d’importantes lésions traumatiques, le cou des traces de strangulation. Selon les experts, le décès peut être attribué à un ou plusieurs coups donnés à la tête.

Les gendarmes de la section de recherche de Metz (Moselle) identifient rapidement la victime : Moustafa A., 54 ans, un travailleur handicapé placé sous curatelle renforcée. Devant la juge d’instruction, ses trois frères le décrivent comme quelqu’un qui n’aimait pas le conflit. Ils confient aussi la déchéance dans laquelle il se trouvait depuis des années, suivi en psychiatrie, notamment en raison de son addiction aux stupéfiants. Le malheureux devait être hospitalisé le 11 décembre mais ne s’est jamais présenté au rendez-vous médical. La dernière personne à l’avoir vu, la veille, est un infirmier du foyer de Metz où il résidait.

« Mous » en avait peur

Au cours de ses dernières semaines d’existence, comme le démontre l’enquête, Moustafa était tombé sous l’influence d’un certain Djalal Bouguettouche. Ce dernier vit chez ses « amis » ou dans des foyers. Il squatte surtout chez des personnes sous curatelle ou ayant une appétence pour la consommation de drogues dures.

Au foyer de Moustafa, où Bouguettouche a habité avant d’en être exclu, ce dernier traîne une sale réputation auprès du personnel : bruyant, virulent, voleur. Des témoins assurent que « Mous » en avait peur, un résident rapporte une scène de grande violence lors de laquelle Bouguettouche avait asséné claques et coups de poing sans limites à Moustafa. Malgré tout, les deux semblaient inséparables. Rien d’étonnant donc, si les enquêteurs retrouvent l’ADN du second sur la chemise du premier.

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Les révélations chocs d’un mandataire judiciaire

Les enquêteurs, qui veulent entendre Bouguettouche, le localisent à la maison d’arrêt de Metz Queuleu, où il est incarcéré depuis le 25 décembre 2021 après une condamnation à cinq mois de prison pour des violences avec arme contre l’un de ses anciens logeurs, Julien Michel. Sur « Mous », il n’a rien à déclarer. Il ne l’a pas vu depuis un moment, dit-il. L’enquête piétine avant de faire un bond inattendu en mars 2022, lorsque le mandataire judiciaire chargé de la curatelle de Julien Michel pousse la porte du commissariat de Metz pour leur transmettre ses révélations : le soir de la mort de Moustafa, Julien Michel était présent et a tout vu puisque les faits se sont produits à son domicile.

Cette nuit-là, selon le témoignage de Michel, il est réveillé vers 3 heures du matin par le cri de Moustafa : « Julien, à l’aide ! » Moustafa A., Djalal Bouguettouche et un troisième homme, Philippe Lopes sont chez lui avec le projet de « se défoncer ». « Bouguettouche semblait nerveux, comme s’il avait l’envie d’en découdre ou de passer ses nerfs sur quelqu’un », se souvient-il.

Au matin, Moustafa reste à terre. Il a reçu des « vraies baffes de cow-boy » décrit Michel. Bouguettouche empêche de prévenir les pompiers, assure-t-il, confisquant son téléphone portable et les clés du logement. Le bourreau tire le corps dans le couloir, affirmant qu’ils trouveraient une « solution » plus tard. Défoncés, ils se rendorment tous.

Verdict le 12 septembre

Au réveil, Bouguettouche demande à Michel de procéder à une sinistre opération : « couper le corps en deux et le jeter à l’eau ». Terrorisé, Michel s’exécute, « comme un débile », reconnaît-il. De son côté, Philippe Lopes prend la fuite, sans prévenir les secours. Bouguettouche aurait commencé à découper la dépouille dans la baignoire. « Il était comme fou, il prenait de la cocaïne et agitait le couteau dans tous les sens », poursuit Michel. Le sinistre et macabre travail effectué, le corps démembré sera jeté dans la Moselle à deux endroits différents.

Julien Michel ne se décidera à dénoncer les faits à son tuteur qu’une fois Bouguettouche incarcéré pour des violences commises à son encontre et poussé par un « mélange de culpabilité et de dégoût ».

Devant la cour d’assises, Bouguettouche devra répondre du meurtre, Julien Michel du recel de cadavre et d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, Philippe Lopes de non-assistance à personne en danger. Verdict vendredi 12 septembre.