« Harceler les consommateurs, c’est une façon de limiter le trafic » : à Melun, les contrôles anti-stups se multiplient
Depuis le début de l’année, les policiers du commissariat de Melun Val de Seine mettent la pression, non seulement sur les dealers mais aussi sur les consommateurs qui alimentent le trafic. Une énième opération était menée lundi 8 septembre dans le quartier de l’Almont.

Surexcité, le berger malinois tire avec frénésie sur sa laisse, manifestement pas gêné par la forte odeur d’urine qui se dégage de cette cave jonchée de détritus. Pourtant, toutes les semaines, le bailleur fait évacuer 30 m3 de déchets. « C’est sûrement là qu’ils stockent en partie du produit », lance son maître. Lundi 8 septembre, en fin d’après-midi, dans les sous-sols de l’une des tours de l’Almont à Melun, l’un des hauts lieux du trafic de stupéfiants en Seine-et-Marne, c’est l’effervescence.
Les policiers avaient organisé, comme presque chaque jour, une opération antidrogue, cette fois sous l’œil du préfet, Pierre Ory, et du maire, Kadir Mebarek (Horizons). « On en fait presque une trentaine par mois, souligne Laurent Mercier, le patron des policiers seine-et-marnais. Nous ciblons les trafiquants mais aussi les consommateurs. Une mère avec son enfant sous le bras ou un jeune cadre qui viennent acheter, ils sont verbalisés avec une amende forfaitaire délictuelle (AFD) à 150 euros. »

Depuis leurs fenêtres, les riverains ont pu observer les autorités déambuler une bonne heure sur la dalle de l’Almont, faisant au passage fuir un rat aperçu devant le 9 de la rue Claude-Bernard. Les caves, les halls d’immeubles, les escaliers, le préfet a eu droit à un tour complet du propriétaire par le bailleur, Habitat 77, dans ce quartier où les rivalités sur fond de trafic débouchaient régulièrement par des fusillades.
« Bienvenu (sic) au cartel de l’Almont. Monte. Shit, Beuh, coke. 7/7. » Dans le hall d’une des tours, en cours de réaménagement pour « laisser moins de place aux dealers », le ton est donné. Malgré les descentes quasi quotidiennes, qui ont semble-t-il entraîné une augmentation du trafic dans le quartier voisin de Montaigu, le business n’a pas disparu.
« Envoyer un message aux habitants »
« Il faut réduire la pression car la situation était extrêmement tendue, rappelle Pierre Ory. Depuis l’opération coup de poing menée ici en janvier 2025, une action coordonnée s’est mise en place pour assainir la situation. Sous l’autorité du parquet, il y a eu plus de 150 opérations de contrôle débouchant sur plus de 90 interpellations et plus de 200 AFD. »
Et le préfet de poursuivre : « L’enjeu, c’est l’après. Il faut continuer ce gros travail d’occupation du terrain, qu’il soit visible pour envoyer un message aux habitants. » Le représentant de l’État s’est félicité des nouveaux outils permis par la loi du 13 juin 2025 pour lutter contre le trafic de drogue. Il peut désormais prononcer une interdiction de paraître d’une durée d’un mois maximum pour une personne impliquée dans ce type de délinquance qui « pourrit la vie des gens ».

Depuis juin, 16 interdictions ont été prononcées (dont 2 à l’Almont) et 12 sont en cours d’instruction. En cas de non-respect, la personne s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros d’amende et six mois d’emprisonnement. Le préfet peut également enjoindre les bailleurs à procéder à des expulsions locatives, voire à se substituer à eux.
« Ces fauteurs de troubles risquent d’entraîner dans leur chute leur famille », prévient le préfet, qui compte aussi utiliser la sanction des fermetures administratives de commerces en lien avec du trafic. Une a justement été signée lundi 8 septembre et 5 autres sont à l’étude dans le département.
Le nombre des points de deal en baisse
Présent lundi, Jean-Michel Bourlès, le procureur de la République de Melun, a rappelé qu’à côté de ces opérations visibles sur le terrain, des enquêtes de fond étaient toujours en cours. Lui aussi s’est félicité des actions visant à mettre aussi la pression sur ceux qui achètent : « Harceler les consommateurs, c’est une façon de limiter le trafic. »
Le maire de Melun note également du « mieux » à l’Almont, « même s’il faut veiller comme le lait sur le feu » et souligne le rôle des agents du service public « qui n’ont pas abandonné le terrain ». L’élu s’inquiète toutefois « des effets collatéraux » avec le basculement du trafic à Montaigu.
Denis Jullemier, le président d’Habitat 77, est aussi plus optimiste pour le quartier par rapport à la situation d’avant qu’il qualifie de « véritable enfer ». Toutefois, il rappelle « qu’il ne faut rien lâcher ». « Rien qu’en 2025, on a dû dépenser 150 000 euros pour déblayer les détritus dans les cages d’escalier », expose-t-il.
« C’est fragile mais on va y arriver », confie Benoît Kaplan, le préfet délégué pour l’égalité des chances. Les chiffres peuvent effectivement être porteurs d’espoir. En Seine-et-Marne, 53 points de deal sont actuellement recensés, soit une baisse de 23 % par rapport à l’année précédente.








