Jugé pour avoir tenté de tuer son fils de 13 mois : « Il a pris le pommeau de douche et l’a frappé à la tête »

Chaouiki S., 28 ans, est accusé d’avoir tapé très violemment, fin octobre 2021 à Goussainville, son petit garçon, qui n’a dû son salut qu’à l’intervention des secours. Il est jugé devant la cour d’assises du Val-d’Oise pour tentative de meurtre sur un mineur de 15 ans, mais aussi pour des violences sur sa femme.

Pontoise. La cour d'assises du Val-d'Oise juge depuis ce lundi un père  accusé d'avoir tenté de tuer son fils de 13 mois. (archives) LP/Frédéric Naizot
Pontoise. La cour d'assises du Val-d'Oise juge depuis ce lundi un père accusé d'avoir tenté de tuer son fils de 13 mois. (archives) LP/Frédéric Naizot

Quand, le 28 octobre 2021 vers 15h30, les pompiers et les équipes médicales du Samu découvrent le petit garçon de 13 mois, bien peu parmi eux pensent qu’il va s’en sortir. Devant le corps supplicié du petit Yacine (le prénom a été changé), au visage bleui par les coups, la tête déformée, les secours sont choqués comme rarement. Leur intervention permettra néanmoins au bébé de survivre, notamment aux quatre minutes d’arrêt cardiaque à son arrivée à l’hôpital Necker (Paris XVe).

Quatre ans plus tard, son père, Chaouiki S., un Tunisien de 28 ans, comparaît devant la cour d’assises du Val-d’Oise depuis ce lundi 8 septembre pour avoir tenté de tuer son fils chez lui, à Goussainville, dans un déferlement de violence. Jugé pour tentative d’homicide sur un mineur de 15 ans, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il doit aussi répondre des violences commises sur son épouse la nuit des faits, mais aussi, et de manière habituelle, depuis leur mariage.



Cette jeune femme de 24 ans, originaire comme son mari de Zarzis, en Tunisie, avait donné l’alerte en début d’après-midi, de nombreuses heures après les faits dénoncés. Son récit devant les policiers puis ce lundi après-midi, à la barre de la cour d’assises, a révélé des violences insensées qu’elle ne parvient toujours pas à expliquer.

Son récit devant la cour d’assises commence par une promenade en couple l’après-midi du 27 octobre, dans un parc près de République, à Paris. Quelques photos ont été retrouvées par les enquêteurs de la sûreté départementale, celles d’un petit garçon dans sa poussette et, sur l’une d’elles, le papa assis à côté sur un banc. Tout semble très tranquille quelques heures avant le cataclysme.

« Il lui a enfoncé la tête dans l’eau dans une bassine »

La mère situe celui-ci après le dîner, ou à 4 heures du matin lorsque l’enfant se réveille, selon ses dépositions. Néanmoins, dans les deux cas, elle affirme à la barre avoir reçu des gifles et des coups de poing, comme le petit garçon. « Il m’a demandé pourquoi il pleurait. Il s’est mis à le frapper », dit-elle, assurant qu’il n’avait été jusqu’alors jamais violent avec l’enfant. Elle décrit un bébé projeté contre le lit au point de casser le sommier. Elle parle aussi d’un bain pour calmer le petit. « Il a pris le pommeau de douche et l’a frappé à la tête. Il y a eu beaucoup de coups. Il lui a aussi enfoncé la tête dans l’eau dans une bassine. Mon fils a saigné beaucoup, il s’est mis à vomir. On aurait dit qu’il était mourant »

Elle évoque aussi l’intervention du père, alors que l’enfant a été calmé et le cite : « Puisque Yacine ne nous laisse pas dormir, moi non plus je ne vais pas le laisser dormir » aurait lancé Chaouiki S. avant de frapper à nouveau.



Elle le supplie d’arrêter, poursuit-elle, en disant que le garçon « allait mourir ». L’accusé lui aurait répondu : « Je m’en fous. Yacine a gâché ma vie. » Des propos qu’elle confirme à la barre avant de confier : « Je souffre à ce jour. J’ai du mal à parler de ça. Heureusement, il y a ma famille. » Le petit garçon a été placé durant quatre ans et elle vient de le récupérer en juillet. « Mon fils a beaucoup de séquelles à cause de son père. C’est un enfant très agité qui pose plein de questions, qui se demande pourquoi il est comme ça, pourquoi son père l’a frappé. Je n’ai toujours pas d’explication. Peut-être en raison de son manque de cannabis », suggère-t-elle.

Me Marion Ménage, qui assiste l’accusé, a relevé les incohérences de sa déposition et des auditions, concernant la consommation de cannabis ou l’heure du début des violences. Elle relève aussi l’incertitude au sujet de l’heure à laquelle le père quitte le domicile de l’avenue Pasteur, laissant seule la mère qui n’a appelé les secours que plusieurs heures après les faits.

L’accusé reconnaît seulement une altercation

L’accusé, de son côté, conteste ce qui lui est reproché. « Je reconnais avoir pris l’enfant par les oreilles puis il est tombé de mes mains », a-t-il admis à l’ouverture de l’audience. « On a eu une altercation car ma femme m’avait dit que ce n’était pas mon fils du fait de la couleur de ses yeux. J’étais persuadé qu’elle me trahissait. Elle parlait tout le temps avec quelqu’un au téléphone. » Il laisse aussi entendre que c’est son épouse qui aurait porté les coups après son départ. Concernant les violences sur sa femme : « Je ne l’ai frappée qu’une seule fois, je l’ai giflée. J’avais vu qu’elle parlait avec quelqu’un d’autre », répète-t-il.

Le couple s’était connu en 2018 ou 2019, confie-t-il, Amel tombant enceinte, hors mariage, en 2020. « J’ai voulu partir, ne pas rester au pays, pour éviter le mariage. J’aurais été obligé. Sinon, cela aurait été la honte par rapport à la famille », raconte l’accusé.



Il prend donc un bateau comme lors d’une précédente tentative en 2016, ayant été alors refoulé d’Italie. Cette fois, il reste quelques semaines en Sicile avant de réussir à prendre la route pour la France et à rejoindre son frère cadet en région parisienne. Mais Amel C. le retrouvera plus tard et le couple se reformera, avec un mariage au consulat. Né sous X le 9 octobre 2020, Yacine est mis à l’adoption mais la mère se rétracte et il est reconnu par ses parents le 16 décembre.

« Elle n’était pas une femme pour fonder un foyer », estime cependant l’accusé, qui faisait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) après deux condamnations pour vol en réunion et détention de stupéfiants. Il lui reproche de voir d’autres personnes et la soupçonne d’être infidèle. « Une femme pas bien », ajoute celui qui est détenu depuis quatre ans. Il emploie aussi le terme de « poubelle ».

La cour d’assises entendra ce mardi les pompiers et médecins qui sont intervenus. Le procès doit se terminer jeudi.