L’association Anticor soupçonne la mairie de Garges-lès-Gonesse de malversations
Le rapport de la chambre régionale des comptes sur la commune comporte plusieurs éléments troublants. Anticor a écrit au parquet pour qu’il ouvre une enquête pour détournements de fonds publics et soupçons de favoritisme. La mairie nie toute faveur et assure avoir tenu compte des remarques des magistrats.

L’association Anticor a écrit au parquet de Pontoise (Val-d’Oise) en juillet, s’appuyant sur les éléments contenus dans le rapport que la Chambre régionale des comptes Île-de-France (CRC) a consacré à la commune. Rendu public le 9 janvier, ce document comporte plusieurs éléments troublants qui pourraient être considérés comme des infractions pénales, notamment en lien avec des contrats de travail d’agents et le recours à des services d’entreprises privées.
Plusieurs indices laissent penser que deux agents employés sur des postes administratifs au service démocratie de proximité auraient exercé des fonctions politiques, ce qui n’est autorisé que pour les membres du cabinet. « Ils assurent, au moins pour partie, des missions à dimension politique », estime la CRC, qui cite leur contrat de travail, mais aussi le fait qu’ils sont rattachés hiérarchiquement au cabinet. Par ailleurs, l’un des deux agents a cumulé le poste de chef du service proximité avec un emploi de cabinet à temps plein à partir du 1er juillet 2023, ce qui est pourtant interdit.
« Les agents de la démocratie de proximité n’assistent pas le maire dans ses décisions exécutives et leur rôle, encadré par la loi, ne peut être assimilé à un emploi politique, répond le cabinet du maire Benoît Jimenez (UDI). Leur rôle étant défini par la loi, ce sont des agents administratifs. » Il assure qu’aucune mission politique n’a été confiée « à d’autres personnes que les collaborateurs directs du maire ». Il ajoute que le service a été rattaché au service technique et non plus au directeur de cabinet, comme le demandait la CRC.
La création du pôle culturel Le Cube décortiquée
Dans son courrier adressé au parquet, Anticor estime de son côté que « plusieurs infractions pénales semblent pouvoir être caractérisées, et notamment le favoritisme et des détournements de fonds publics ». De 2019 à 2024, la Chambre régionale des comptes a relevé 49 achats de gré à gré sans procédure de mise en concurrence pour des montants supérieurs aux seuils réglementaires (matériel de plomberie, achats alimentaires, régie de spectacles, câblage informatique, réparation automobile, etc.).
La CRC cite aussi trois fournisseurs pour des prestations de conseil pour la création du pôle culturel, Le Cube, ouvert en 2023. La première société a fait l’objet d’un premier bon de commande pour 27 150 euros, puis d’un deuxième de 15 045 euros, dépassant ainsi le seuil nécessitant un appel d’offres. En revanche, SPQR, la deuxième société, a été désignée via un marché à procédure adaptée. « Elle a enfin recouru, sans mise en concurrence, aux services de l’association ART 3 000 – Le Cube à deux reprises, pour un montant similaire de 39 000 euros en 2022 et 2023 », note la CRC. Elle estime que la mairie aurait dû « formuler un besoin unique pour l’ensemble de ces prestations » et donc passer un appel d’offres. « Ces commandes successives, pour des objets très proches, présentent toutes les caractéristiques d’un achat homogène », explique-t-elle, en évoquant « un risque juridique pour la commune ». En fractionnant ces trois marchés, la mairie pourrait avoir cherché à contourner les règles de la commande publique pour avantager ces trois prestataires.
« Pas de recommandation de régularité » formulée par les magistrats
« En aucun cas, la CRC n’évoque un quelconque favoritisme de la part de la ville », assure le cabinet du maire, qui juge mensongère cette qualification. Il souligne que la direction des achats publics de la commune a obtenu la certification ISO 9 001 concernant son processus achats, « un gage de crédibilité », à ses yeux. La mairie met en avant le fait qu’elle a généralisé le recours à la négociation dans les marchés à procédure adaptée ce qui lui aurait fait économiser, selon elle, près de 400 000 euros en 28 mois. « Soulignons enfin que la gestion de la commande publique par la ville n’a pas fait l’objet d’une recommandation de régularité par la CRC dans son rapport », ajoute le cabinet.
Quant aux prestations de conseil pour la création du pôle culturel, la mairie explique avoir « eu besoin de plusieurs phases exploratoires demandant chacune un accompagnement très spécifique ». « L’ensemble de ces phases ne pouvait donc pas constituer une unité fonctionnelle car relevant chacune de segments d’achats distincts (gestion, exploitation, programmation, forme juridique, etc.) », indique le cabinet du maire. Ces missions étaient, selon ce dernier, nécessaires pour obtenir « l’agrément de l’État via le préfet ». « L’approbation justement accordée par ce dernier est la preuve que la mission a été menée convenablement », juge-t-il.
La CRC épingle aussi la mairie pour des subventions versées à trois associations en échange d’un service. « À l’inverse d’un contrat de la commande publique, la subvention n’a pas vocation à répondre à un besoin de l’administration », rappellent les magistrats. Ils estiment que c’est pourtant ce qu’aurait fait la mairie avec la crèche familiale Comme à la Maison, gérée par l’IEPC qui reçoit 400 000 euros par an en échange de la réservation d’un certain nombre de berceaux. Sont aussi mentionnés dans le rapport l’entretien de deux parcelles confiées à Espérer 95 et le Bus des services mis en place par Créative. La CRC considère qu’il s’agissait de prestations de services qui auraient dû passer par un appel d’offres. Là aussi, la mairie pourrait se voir reprocher d’avoir procuré un avantage indu à ces trois associations.
Dans le cas de l’IEPC, la mairie explique avoir agi afin de « soutenir le développement d’une activité propre liée au désengagement de la CAF ». « Dans un souci de sécurité juridique, la commune a sécurisé le conventionnement en procédant aux modifications substantielles avec prise d’effet au 1er janvier 2025 », explique-t-elle. Elle ajoute avoir désigné une entreprise d’insertion, dans le cadre d’un marché public, pour l’entretien des parcelles qui étaient confiées à Espérer 95. Elle s’engage aussi à passer par un appel d’offres pour trouver le futur gestionnaire du Bus des services, « en réponse aux observations de la chambre ».








