« On n’a pas cherché à comprendre » : comment Marwen et Loïc, 23 ans, ont sauvé une femme des flammes à Beauvais

Est-ce l’insouciance de la vingtaine ou la définition même du mot courage ? Sans doute un peu des deux. Ce lundi 8 septembre, au lendemain de leur sauvetage héroïque, les deux jeunes beauvaisiens peinaient encore à y croire. « En me réveillant ce matin, je me suis rappelé. J’avais dû mal à réaliser, c’est vraiment moi qui ai fait ça ? » s’interroge Marwen, les yeux égarés.

Sur la façade de cet immeuble du quartier Saint-Jean à Beauvais (Oise), les traces de leur acte de bravoure sont pourtant bien là. « On voit la trace de nos chaussures. » Dimanche, c’est sur ce balcon qu’ils ont sauté et bravé la fumée toxique pour porter secours à une femme bloquée par les flammes qui s’échappaient de son appartement. Loïc Genouel et Marwen Guesmi, deux amis de 23 ans, ont depuis été célébrés de toute part après la vidéo de leur sauvetage héroïque qui a fait le tour des réseaux sociaux.

« Il y a un incendie, venez on va voir »

Ce lundi soir, les deux héros étaient de retour sur les lieux. Au premier étage, un policier appose les scellés sur la porte de l’appartement sinistré. L’odeur est encore là et imprègne le couloir. La fumée, les gestes… Les deux amis rembobinent toute la scène, qui a duré quinze minutes.

Ils sont à bord d’un véhicule lorsqu’ils aperçoivent la fumée à l’arrière du bâtiment. Marwen a l’œil. S’il n’a pas concrétisé professionnellement sa vocation de soldat du feu, elle ne l’a pas quitté. Lui qui était jeune sapeur-pompier volontaire de ses 15 à ses 18 ans n’a pas tergiversé longtemps. « J’ai dit : il y a un incendie, venez on va voir. On n’a pas hésité, on est entré dans l’immeuble et on a évacué les personnes. »

Une fois toutes les personnes sorties, Marwen et Loïc se dirigent vers le premier étage. « Quand on a ouvert la porte, on a pris toute la fumée et le réflexe que j’ai eu c’est de refermer la porte mais j’ai entendu tousser, raconte Loïc. Un monsieur était appuyé contre le mur. J’ai ouvert la porte et Marwen l’a tiré. » Les amis s’y mettent à deux pour l’évacuer.

« Je lui ai dit madame, il faut descendre »

Ils pensent alors que tout le monde est sain et sauf. « On s’est dit il n’y a plus personne, terminé », ressasse Loïc. Mais d’après les habitants, une femme est bloquée sur le balcon du premier étage d’où s’échappe une fumée noire. Le panache avait beau sortir de « toutes les fenêtres », ils y sont allés « à l’instinct ». « On n’a pas cherché à comprendre », affirme Marwen. « Ni une ni deux, on y est allé tête baissée. On est monté sur le mur et on a sauté sur le balcon », poursuit Loïc, le premier sur les lieux.

Il trouve la femme assise. Elle ne semble pas dans son état normal. « Je lui ai dit madame, il faut descendre, c’est dangereux mais elle ne voulait pas. J’ai retiré ma veste pour lui mettre autour de son visage. À ce moment, on ne voit rien tellement il y a de fumée. » À bout de bras, il la soulève. Marwen, l’aide à l’attraper avec un père de famille, puis d’autres jeunes du quartier la réceptionnent en bas.

Rapidement mobilisés, les 25 sapeurs-pompiers ont finalement pu venir à bout du feu sans qu’il ne se propage à l’ensemble du bâtiment. Le couple de locataires, ainsi que Marwen et Loïc, sont quant à eux transportés à l’hôpital après avoir inhalé les fumées.

Selon les témoignages, l’incendie serait survenu après l’utilisation d’un barbecue à l’intérieur de l’appartement. Le parquet de Beauvais a ouvert une enquête. Les investigations « sont toujours en cours pour en connaître les conséquences exactes et en préciser l’origine », indique Frédéric Trinh, le procureur de la république. Les occupants de l’appartement « ne sont plus hospitalisés et seront entendus dans les prochaines heures », ajoute le magistrat.

La médaille de la ville

Dans l’immeuble, au lendemain du drame, les habitants saluent unanimement leur courage : « Je les ai félicités je ne sais pas combien de fois », confie une retraitée. « Vous avez été exceptionnels », s’exclame Daouda.

Vanessa, la mère de Marwen, fait part de son immense fierté. « Je ne cache pas que quand j’ai vu les vidéos, j’en ai pleuré », témoigne-t-elle. « Faut les mettre en valeur ces deux gamins », soutient Karim, un habitant.

Un souhait bientôt exaucé par Franck Pia, le maire (UDI) de la ville-préfecture, qui prévoit de leur remettre la médaille de la Ville. « C’est leur réactivité qui a fait qu’on a réussi à éviter que cet incendie soit plus dramatique et qu’il se propage à d’autres logements. Les seules personnes que l’on relogera sont les deux locataires. »

Pour les deux héros, la vie continue. Loïc, dans le secteur de la métallerie, Marwen, dans la plomberie. Mais tous deux, seront à jamais marqués par cette expérience. « Je me rends compte que s’il faut y rester pour sauver à nouveau, j’y retournerai les yeux fermés » , certifie l’ancien jeune sapeur-pompier volontaire.