Près de Versailles, ce centre d’élevage voit passer les futurs chiens guides d’aveugles de Paris
Des dizaines de chiots destinés à accompagner les personnes malvoyantes voient le jour chaque année à Buc, dans les Yvelines, au sein d’une structure spécialisée. Ils y sont éveillés et sociabilisés avant d’être, pour certains, formés à leur future mission.

C’est une école comme il en existe une petite poignée seulement : sans enfants, mais remplie de… jeunes chiots. Au centre d’élevage et d’éducation Jacques-Bouniol de Buc (Yvelines), on voit naître, puis on éduque au fil d’un long processus des dizaines de chiens qui deviendront peut-être demain les fameux guides d’aveugles.
La structure est gérée par l’association Chiens Guides de Paris qui, chaque année depuis dix ans maintenant, « remet » gratuitement à des personnes malvoyantes une trentaine de compagnons à quatre pattes. Mais avant cela, le chemin est long, le succès n’est pas forcément garanti, et la formation est coûteuse.
« Le prix d’un chien guide est de 25 000 euros », annonce Laura Meynier, responsable communication et collecte de cette association « qui ne reçoit aucun soutien de l’État » et finance ses activités exclusivement grâce « aux dons du public, au mécénat, et parfois à des legs. »
Une maternité pour accueillir les portées
Basée historiquement aux abords du Bois de Vincennes, l’association s’était dotée en 2015 de ce second centre dans les Yvelines afin de multiplier ses capacités en termes de naissance et donc de nombre d’élèves.

Tous les chiens, issus de couples de reproducteurs sélectionnés « pour leur état de santé irréprochable et leurs prédispositions » naissent effectivement sur place au sein d’une véritable maternité. On compte entre dix et quinze portées par an. L’endroit est équipé de sa salle de soins, de son espace pour mettre bas, et même d’un lit pour le professionnel chargé de veiller sur l’arrivée des petits.
Les jours qui suivent sont déjà de la plus haute importance. « Entre la naissance et leurs trois mois, ils découvrent énormément, explique Ludovic, éducateur professionnel. C’est le bon moment pour l’appréhension du monde extérieur. » Une découverte qui se fait par étapes, afin de « se familiariser avec les textures, les couleurs, les odeurs ».
Répartis par fratries, les chiots évoluent dans de véritables petites cours d’écoles, avec jeux et agrès à volonté. Dans la grande majorité, il s’agit de Golden Retriever ou de Labradors, les deux races qui « font preuve des meilleures capacités », explique-t-on, même si l’école accueille également des croisés Labrador-Golden et des Labradoodles, croisés caniche.

À l’âge de trois mois, les chiots sont confiés à des familles d’accueil auprès desquelles ils doivent d’abord « s’épanouir ». Christophe Roussel, vétérinaire de formation, s’est ainsi vu confier Alyah durant l’été. La jeune chienne, reconnaissable à ses étonnants yeux clairs, restera à ses côtés durant neuf mois minimum.
« Ces familles ont le devoir d’être 100 % disponible pour l’animal, de les emmener partout — y compris au travail — pour qu’ils découvrent un maximum de situations différentes », indique Laura Meynier. Pour son maître provisoire, « l’objectif est bien sûr qu’il poursuive son parcours, mais le chien est ce qu’il est. Certains ne sont pas faits pour ça. Notre priorité c’est qu’il grandisse bien ».
Deux ans de liste d’attente
C’est vers l’âge d’un an que se trouve la fourche, quand le jeune élève doit tenter d’obtenir son certificat d’entrée en éducation. Il s’agit alors d’une véritable formation d’une durée d’environ 8 mois durant laquelle le futur guide, désormais porteur d’un dossard bleu, va travailler sur « l’obéissance, la gestion des objets et apprendre à se déplacer de manière fluide avec un harnais », indique la représentante de l’association. Une partie du travail porte aussi « sur l’aspect recherche » : celle d’une place assise, d’une entrée de bouche de métro par exemple.
La dernière phase de cette instruction consiste à « la responsabilisation », c’est-à-dire à la prise d’initiative et si besoin à la désobéissance. « C’est le cas si un danger se présente, précise Ludovic, le maître-chien. Le chien peut identifier un vide. Il doit alors désobéir même s’il lui est demandé d’avancer. Il doit se coucher devant son maître. »
Des maîtres « à qui on demande d’être autonomes, d’avoir un trajet » afin que l’utilité de cette aide aux déplacements soit avérée. « On a des listes d’attente de deux ans », explique-t-on au sein de l’association.
Une mission de huit ans avec les futurs maîtres
Une fois le certificat de guide obtenu, mais après avoir « vérifié que le binôme est le bon », le chien passe près de huit ans aux côtés de son maître, toujours avec un suivi régulier de l’école. Et outre l’appui au quotidien, « le chien permet aussi de créer du lien social, note Laura Meynier. Il donne envie d’aller voir la personne, de discuter, de s’intéresser à elle ». En dix ans, 200 « binômes » ont été formés par l’association.
Pour les chiens guides d’aveugle, la « retraite » est fixée à l’âge de dix ans. Mais dès leur huitième anniversaire, l’animal participe à « des journées d’aide au vieillissement » au cours desquelles le centre vérifie son état de santé et ses capacités. « Cela permet aussi au maître de renouveler sa demande », indique l’association.
Pour ses vieux jours, le guide est soit conservé par son maître « à condition qu’il continue de s’en occuper au même titre que son nouveau chien », soit confié à une nouvelle famille d’accueil. « Elle doit disposer d’un grand terrain, précise-t-on. Le bien-être du chien est toujours la priorité. Et après avoir guidé pendant des années, il doit profiter d’une retraite méritée. »








