Prison avec sursis et inéligibilité requises contre le maire d’Étampes Franck Marlin, jugé pour détournement de fonds

Le maire (LR) d’Étampes et son adjoint à l’urbanisme, Gérard Hébert, comparaissaient ce mardi 9 septembre devant le tribunal correctionnel d’Évry (Essonne) pour détournement et recel de fonds publics. La décision sera rendue en octobre.

Franck Marlin était jugé ce mardi 9 septembre avec son adjoint à l'urbanisme pour recel et détournement de fonds publics. (Archives.) LP/Florian Garcia
Franck Marlin était jugé ce mardi 9 septembre avec son adjoint à l'urbanisme pour recel et détournement de fonds publics. (Archives.) LP/Florian Garcia

« Jamais je n’ai détourné de fonds publics ! Avoir ce seau de saloperies sur mon dos depuis des années… » tonne Franck Marlin face aux juges. Pour un maire, comparaître devant un tribunal à quelques mois des élections municipales, ce n’est pas une situation rêvée pour démarrer une campagne. Franck Marlin (LR), le maire d’Étampes, et son adjoint à l’urbanisme, Gérard Hébert, étaient ce mardi 9 septembre au tribunal correctionnel d’Évry-Courcouronnes pour se défendre de faits de détournement et de recel de fonds publics commis entre mai et août 2017.

À l’époque, Franck Marlin est député-maire d’Étampes. Gérard Hébert est un de ses collaborateurs de cabinet et est élu conseiller régional, sur la liste de Valérie Pécresse, depuis décembre 2015. Les deux hommes se connaissent depuis 1987 et sont très proches.

Pourtant, le 2 mai 2017, le maire engage une procédure de licenciement pour « perte de confiance » à l’égard de Gérard Hébert. Ce dernier est licencié le 16 mai et perçoit en septembre suivant une indemnité de 27 649,79 euros.

Un licenciement au « motif bidon » ?

Mais en 2023, la Chambre régionale des comptes se penche sur les finances de la ville et tique sur cette rupture conventionnelle. Une enquête est ouverte et pointe plusieurs irrégularités. Tout d’abord, le contrat de Gérard Hébert stipule qu’en cas de rupture pour « perte de confiance », il ne doit pas toucher d’indemnités.

Par ailleurs, les pièces concernant le licenciement de Gérard Hébert ont disparu de son dossier personnel à la mairie. Et le bureau du contrôle de légalité de la préfecture n’a pas reçu la procédure comme il aurait dû.

Et pour le parquet, ce qui interroge, c’est la chronologie de cette affaire. Le 15 juin 2017, Franck Marlin est réélu député. En vertu de la loi sur le non-cumul des mandats, qu’il a qualifiée à l’audience de « scélérate », il doit faire un choix et abandonne son mandat de maire en août. Un choix qui aurait mis fin au contrat de collaborateur de Gérard Hébert, sans que la ville n’ait à lui verser d’indemnités. Par ailleurs, de nombreux témoins, élus et agents, pointent la bonne entente entre les deux hommes à cette période.

Gerard Hébert avait été licencié par Franck Marlin en 2017, avant d'être élu sur sa liste en 2020. (Archives.) LP/OLIVIER LEJEUNE
Gerard Hébert avait été licencié par Franck Marlin en 2017, avant d'être élu sur sa liste en 2020. (Archives.) LP/OLIVIER LEJEUNE

« On a créé une sorte de prétexte de perte de confiance factice afin d’accéder à la possibilité de verser ces 27 000 euros, estime le substitut du procureur. Ce motif a été choisi de manière opportuniste. S’il avait attendu le 20 août, son départ coûtait 0 euro. Ce motif est bidon. »

Et de rappeler qu’aux municipales de 2020, Gérard Hébert a été élu sur la liste de Franck Marlin, puis à la présidence de l’île de loisirs d’Étampes avec en vice-président… Franck Marlin. « La perte de confiance ne veut pas dire que l’on ne supporte plus l’autre, rétorque l’avocat du maire, Me Rémi-Pierre Drai. La confiance professionnelle et personnelle, ça n’est pas la même chose. »

« Gérard Hébert est mon ami depuis 1987, confirme Franck Marlin. En 2015, quand il a été élu au conseil régional, il était moins présent à Étampes, plus Parisien. On est arrivé à des moments de tension. On s’est déchiré, mais nous avons une franche amitié et oui c’est désormais mon adjoint et il a toute ma confiance. Il est conseiller régional et dans mon écurie, c’est extrêmement important. »

« J’ai 600 collaborateurs, je ne regarde pas tout »

« J’étais élu au conseil régional, président d’Île-de-France Terre de Saveurs, ça me prenait pas mal de temps, rembobine Gérard Hébert. Les bureaux étaient à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Je faisais moins d’heures à Étampes. Mais ça me plaisait de travailler avec Franck Marlin. Je n’ai pas pensé que c’était incompatible. Mais il est très exigeant dans le travail. »

Concernant tout ce qui touche au contrat, à sa rédaction, la non-transmission de la procédure de licenciement à la préfecture, Franck Marlin se défausse sur son administration. « Le contrat était mal rédigé, je ne le savais pas, c’est un tort. J’ai 600 collaborateurs, je ne regarde pas tout. J’aurais dû, je l’apprends à mes dépens. Ce n’était pas intentionnel de ma part. Je ne suis pas Calimero, quand je fais une connerie, j’assume. »

Et sur la disparition de ces documents, il n’a pas hésité à incriminer Bernard Laplace, qui avait pris la tête de la mairie d’Étampes en avril 2018. Son avocat a d’ailleurs rappelé qu’il avait déposé une plainte en ce sens. Durant l’audience, Franck Marlin s’en est aussi pris à d’autres élus qui ont témoigné contre lui : « Vous avez entendu des personnes qui nous ont pourris la vie. Et celles qui nous aiment, rien ! Ce n’est pas un hasard si je suis élu depuis autant d’années (depuis 1995). »

Pour le procureur, les faits sont constitués. Ce dernier a requis une peine de 12 mois de prison avec sursis, 5 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de 5 ans contre Franck Marlin, et 10 mois de sursis, 3 000 euros d’amende et la confiscation des 27 649 euros contre Gérard Hébert. Le jugement a été mis en délibéré au 14 octobre.