« Rassurer et protéger les victimes » : le centre commercial d’Évry, refuge contre le harcèlement de rue et les agressions

Depuis un an, les victimes d’agressions et de harcèlement peuvent venir se réfugier au Spot (ex-Évry 2), le grand centre commercial de la ville-préfecture de l’Essonne. Les agents de sécurité ont été formés à gérer les situations de violences sexistes et sexuelles.

Évry-Courcouronnes (Essonne), le 28 août. Depuis un an, les victimes d'agressions ou de harcèlement de rue peuvent venir se réfugier au Spot, où des agents formés sont en mesure de les recevoir. LP/T.A.
Évry-Courcouronnes (Essonne), le 28 août. Depuis un an, les victimes d'agressions ou de harcèlement de rue peuvent venir se réfugier au Spot, où des agents formés sont en mesure de les recevoir. LP/T.A.

« Ce n’est pas le premier endroit où je serais venue en cas de problème, mais c’est une bonne chose de savoir que je pourrais être accueillie ici », confie Flora, 27 ans, en apprenant que le Spot est désormais une safe place (un lieu sûr, en anglais).

Le centre commercial d’Évry-Courcouronnes (Essonne) a reçu la labellisation d’UMAY, une application pour signaler les violences sexistes et sexuelles (VSS), en 2024. Les victimes peuvent y trouver un lieu où se réfugier et être accompagnées par les agents de sécurité du centre.

« Ils sont formés pour rassurer et protéger les victimes », explique Tony Dagorne, directeur du Spot depuis neuf mois. Une dizaine d’entre eux ont été préparés par les équipes de l’application. « On leur apprend ce que sont les VSS et ce que dit la loi, détaille Pauline Vanderquand, cofondatrice d’UMAY, on les forme aussi sur l’accueil des victimes. On a développé la méthode des 3R : recueillir, rassurer et renseigner. »

« Il y a des soirs où je ne me sens pas trop en sécurité autour du Spot »

« C’est important d’avoir la réponse adaptée à une problématique ciblée, poursuit Tony Dagorne. On peut vraiment recevoir, apaiser et protéger les victimes. » En un an, « une dizaine de victimes » ont été accueillies et plusieurs signalements ont été enregistrés autour du centre commercial grâce aux 500 utilisateurs actifs de l’application dans le secteur.

Évry-Courcouronnes (Essonne), le jeudi 28 août. Dans les couloirs du centre commercial, de nombreux panneaux mentionnent l'existence du dispositif. LP/T.A.
Évry-Courcouronnes (Essonne), le jeudi 28 août. Dans les couloirs du centre commercial, de nombreux panneaux mentionnent l'existence du dispositif. LP/T.A.

Léa, 17 ans, connaît UMAY : « On en a parlé en classe, indique l’adolescente. Il y a des soirs où je ne me sens pas trop en sécurité autour du Spot mais je sais que je peux me réfugier ici en cas de problème. » Pour Stéphane Beaudet, le maire (sans étiquette) d’Évry-Courcouronnes, « la lutte contre le harcèlement de rue est aujourd’hui à l’amélioration, notamment grâce à la surveillance accrue autour de la gare et du Spot par les forces de l’ordre ».



Lancée en 2019, UMAY est une application gratuite qui cartographie des safe place où se réfugier en cas d’agression ou de harcèlement de rue. Il y en a 7 000 partout en France. « L’application permet aussi de partager son trajet en temps réel avec ses proches, précise Pauline Vanderquand. On peut également signaler une situation anormale en tant que victime ou témoin. Chaque signalement est pris en compte. »

C’est elle qui a eu l’idée de créer cet outil. « J’ai été victime de harcèlement de rue en sortant du travail, raconte-t-elle. J’ai demandé de l’aide au vigile d’un bar qui m’a répondu que ce qui se passe dans la rue reste dans la rue. J’ai voulu créer ce moyen pour trouver des commerçants prêts à accueillir les personnes dans le besoin. »

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Depuis, 200 000 utilisateurs ont téléchargé l’application et sont actifs à travers la France. L’application a permis de mettre en sécurité 10 000 personnes. « On a trouvé le partenaire idéal avec une méthode compréhensive », affirme Tony Dagorne. Tous les deux mois, les équipes d’UMAY viennent au Spot « pour faire des piqûres de rappel et former les nouvelles équipes », avance Pauline Vanderquand.

« Il faut qu’on avance encore plus sur le sujet »

Les deux partenaires ne souhaitent pas s’arrêter en si bon chemin. « Le bilan est positif mais il faut qu’on avance encore plus sur le sujet, note Tony Dagorne. On veut faire croître la notoriété d’UMAY pour que ça devienne un réflexe, comme aller sur Waze avant de prendre la route. »

Si, pour l’instant, seuls les agents du centre le sont, les 2 500 salariés des enseignes du Spot pourraient être à l’avenir incités à se former à l’accueil des victimes. « Si l’expérimentation est concluante, nous pourrions l’étendre à d’autres lieux publics », appuie de son côté le maire Stéphane Beaudet.



En attendant, le Spot et UMAY veulent sensibiliser davantage les quinze millions de clients annuels du centre commercial. Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas encore l’application, comme Fatia. « Je vais en parler à mes filles pour qu’elles l’installent, affirme-t-elle. Ça me rassure. »

Avec La Vache Noire, à Arcueil (Val-de-Marne), le Spot est le seul centre commercial à avoir ce label en France. Dans l’Essonne, Brétigny-sur-Orge est l’unique municipalité à être identifiée comme safe place. Mais d’autres moyens existent pour signaler du harcèlement de rue ou des VSS comme le dispositif « où est Angela ? » auquel adhèrent le département de l’Essonne et de nombreuses villes.

Les lieux qui font partie du dispositif sont signalés par un autocollant sur leur devanture. « Tout le monde a un rôle à jouer », assure Pauline Vanderquand.