Léa Salamé, nouvelle reine du 20 Heures Ép. 1/4 

Sa naissance sous les bombes, son changement de prénom… Comment Léa Salamé a quitté le Liban pour la France

SérieÉpisode 1Avant son arrivée au journal de 20 heures de France 2, nous revenons sur l’incroyable destin de Léa Salamé. Premier épisode consacré à son enfance et son arrivée à Paris à l’âge de 5 ans.

Par Benoît Daragon

Le 29 août 2025 à 11h00, modifié le 31 août 2025 à 19h31

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Née à Beyrouth, Léa Salamé, ici avec sa petite sœur Louma, a quitté son pays natal avec sa famille en 1984. Le Parisien-DA/DR
Née à Beyrouth, Léa Salamé, ici avec sa petite sœur Louma, a quitté son pays natal avec sa famille en 1984. Le Parisien-DA/DR

Notre série « Léa Salamé, l’enfant du Liban nouvelle reine du 20 Heures »

  1. De son enfance sous les bombes à son arrivée à Paris
  2. Une apprentie journaliste vite remarquée
  3. Et Léa Salamé est devenue une star
  4. Comment elle a préparé son premier 20 Heures de France 2

Ne comptez pas sur Léa Salamé pour ça. Jamais, elle ne chipera à Stéphane Bern la présentation de la soirée du 14 juillet. « Mes gosses adorent aller voir le feu d’artifice. À chaque fois, c’est un enfer pour moi. Parce que le bruit des fusées est exactement le même que celui des bombes », racontait la nouvelle reine du 20 Heures il y a deux ans à Konbini.

Les bombes ? Ce sont celles qui ont assombri le ciel radieux de son enfance, à Beyrouth, dans un Liban déchiré par la guerre civile. La petite Hala Salamé naît en octobre 1979, dans les tourments de l’Orient. D’un père libanais et d’une mère d’origine arménienne venue au monde à Alep, en Syrie.

Léa Salamé, sa mère Mary et sa petite sœur Louma. DR
Léa Salamé, sa mère Mary et sa petite sœur Louma. DR

Les bombardements rythment ses premiers pas. 45 ans plus tard, la journaliste — qui n’a pas souhaité rencontrer Le Parisien-Aujourd’hui en France avant son arrivée au 20 Heures de France 2 lundi soir — raconte à chaque interview qu’elle garde intact dans sa mémoire les longues heures à rester cachée dans les abris antimissiles, les nuits à dormir dans la baignoire, le plus loin possible des fenêtres de sa chambre susceptibles d’être soufflées par une explosion.

« Je voulais réussir pour mon père »

En 1984, son père Ghassan Salamé, universitaire réputé devenu diplomate et actuel ministre de la Culture du Liban, estime que ce n’est pas une vie pour sa famille. Il exfiltre son clan le temps que cela se calme. Direction Paris. Pas dans les banlieues dortoirs, au nord de la capitale où s’entassent tant de familles issues de l’immigration. Non, les Salamé élisent domicile dans le XVIe arrondissement. Comme le conflit au bout de la Méditerranée, l’exil censé être temporaire s’enlise. La famille se plaît dans les beaux quartiers d’ici.

Hala et sa sœur cadette Louma acquièrent vite la nationalité française et fréquentent des établissements scolaires prestigieux. Sans que jamais enfance rime totalement avec insouciance. « C’est une expérience de venir d’un pays en guerre. Pendant quinze ans, on a regardé tous les soirs le journal de 20 heures pour savoir comment évoluait le conflit là-bas où vivaient tant de nos proches », nous raconte Louma, aujourd’hui à la tête de la Fondation Boghossian, créée par les frères de sa mère, Mary, pharmacienne. Cette famille de diamantaires d’origine arménienne, rescapée du génocide, a rendu sa flamboyance à la Villa Empain. Ce temple Art déco construit dans les années 1930 dans la banlieue de Bruxelles pour le baron Empain a été refait à neuf et transformé en lieu culturel qui fait dialoguer Orient et Occident. Avec succès puisque 100 000 personnes ont visité le lieu en 2024.

Léa et Louma Salamé. DR
Léa et Louma Salamé. DR

« Je voulais réussir pour mon père, pour ne pas le décevoir. J’étais obsédée par l’image qu’il avait de moi », raconte la journaliste qui fait sa scolarité au collège jésuite Saint-Louis de Gonzague (XVIe), puis à l’école Alsacienne (VIe). Volonté de s’intégrer, obligation de réussir, échec interdit. Au collège, Hala est moquée. Ses camarades amalgament le prénom de la jeune femme pourtant catholique — qui veut dire « bienvenue » et qui est très courant au Liban —, avec Allah, « Dieu » en arabe. L’adolescente ne supporte plus de s’entendre surnommer « Allah akbar ».

Et Hala devint Léa

À son entrée au lycée, elle conjure sa mère de l’inscrire sous son deuxième prénom, Léa, en cachette de son père. Elle redoute que le patriarche voie cela comme un reniement. « J’ai mis du temps à comprendre que ma différence allait être ma force », reconnaît-elle aujourd’hui, sans regretter son choix.

Gentiment rebelle, Léa Salamé affirme sa personnalité. « Elle avait dès le plus jeune âge, un sens de la répartie redoutable, une franchise désarmante. À 14 ans, elle était capable de débattre avec une tablée d’adultes et de répondre au tac au tac aux invités de mes parents », se souvient sa petite sœur.



Léa Salamé tombe dans l’actualité internationale dès le berceau, se passionne pour la politique. À son entrée à Sciences-po Paris, la jeune femme dit hésiter entre journaliste, diplomate et avocate. Son destin va décider à sa place. En septembre 2001, elle s’envole pour une année d’échange à la New York University. Deux semaines après son arrivée, les tours du World Trade Center, à deux pas de la résidence universitaire où elle séjourne, sont attaquées par des terroristes d’Al-Qaïda. Évacuée et blessée, elle se met à réaliser des reportages avec sa promotion sur les traumatismes de cette ville décapitée. « Là, j’ai su que c’était ce que je voulais faire à mon retour à Paris », affirme-t-elle dans une interview en 2010.

Pour sa sœur, tout était écrit dans son parcours dès cette enfance tourmentée : « Pour moi, son métier est devenu une évidence très tôt durant l’enfance. Elle était passionnée par l’actualité internationale, la politique, la culture. C’était très clair qu’elle allait devenir journaliste. » De là à l’imaginer au 20 Heures, devenir la journaliste la plus regardée de leur pays d’adoption ? La promotion a été stupéfiante pour les proches. La fierté, immense. Pour eux pas de doute : Léa Salamé est un pur produit de la méritocratie, un exemple d’intégration pour une petite-fille d’agriculteur libanais, instituteur de son village, arrivée en France à l’âge de 5 ans.