« Je dégage entre 150 et 200 000 euros de revenus annuels » : dans les comptes de Jérôme, trader indépendant
Depuis 30 ans, Jérôme parie en Bourse. Passionné, il a fait fructifier son capital de départ jusqu’à arriver au million, et réussit à dégager un chiffre d’affaires de 150 à 200 000 euros par an.

Quand les bourses se sont affolées en avril dernier, avec l’annonce de la hausse des tarifs douaniers américains, Jérôme*, 54 ans, est resté calme. « Certains ont vendu parce qu’ils ont eu peur lorsque tout a chuté, la fin du monde était annoncée », raconte-t-il. Mais du haut de ses 30 ans d’expérience dans le milieu boursier, le trader a perçu le bénéfice qu’il pourrait tirer de cette situation.
Jérôme a fait des études de commerce avant de se lancer dans le trading à son compte. « Dans ce métier on touche à tout et ça m’a toujours passionné », explique-t-il. Ses bons résultats lui ont valu d’être recruté en professionnel au sein d’une société de gestion de fonds. « J’ai passé une quinzaine d’années entre Londres et Genève avant de retourner à mon compte », relate-t-il. Cela fait maintenant une dizaine d’années qu’il gère seul son argent en bourse, « je fonctionne vraiment comme une PME ».
Le trader a commencé « avec pratiquement rien » pour l’époque dans le secteur : « c’était en francs, l’équivalent de 10 000 euros. » Il met plusieurs années avant de réussir à se monter un capital, avec l’objectif de pouvoir en vivre. « J’ai quand même réussi à le multiplier par 20 en 5 ans, ce qui est énorme. C’est comme ça que j’ai été recruté en professionnel ».
Aujourd’hui, il détient environ un million d’euros en bourse, pactole qu’il fait fructifier pour se verser un salaire stable et confortable. « Je dégage entre 150 et 200 000 euros par an de revenus », détaille-t-il. « C’est un chiffre d’affaires sur lequel je paye des charges, des impôts… Ce que je vise c’est entre 15 et 20 % pour qu’il me reste en net environ 6 % ». Ce qui représente un revenu mensuel d’environ 5 000 euros. « Et j’ai largement assez avec ça », estime-t-il. Aux côtés de sa femme, qui ne travaille pas, ils vivent confortablement avec son salaire dans le Sud, dans une maison qu’il a fini de payer il y a quelques années.
« Mon job à moi, ce n’est pas de jouer »
Cette somme reste peu importante à l’échelle du million que possède Jérôme sur les marchés. « Je sais faire beaucoup plus en performance », concède-t-il, mais son objectif est clair : « mon job à moi, ce n’est pas de jouer, c’est mon revenu. Je veux générer un gain régulier, dans un environnement très à risque. Si je suis là depuis 30 ans, c’est parce que je gère mon risque constamment. »
« Vous avez des joueurs qui vont mettre 10 000 euros sur la table et les transformer en 200 000 euros. La probabilité que demain ils le refassent est minimum. La probabilité qu’ils retombent à zéro en revanche elle est très forte », pointe-t-il. Lui se voit comme un « gestionnaire de risques » plutôt qu’un « boursier ».

Quand on lui demande son meilleur coup, il a d’ailleurs du mal à répondre. « Honnêtement, je n’en ai pas beaucoup. » Le dernier est récent, « c’est avec Donald Trump ». L’annonce en avril de la hausse des tarifs douaniers, puis du report de cette mesure, a fait bondir les bourses du monde entier dans tous les sens.
Le trader a pu acheter des actions au plus bas qui ont pris 30 % en quelques jours. « Il fallait oser quand tout le monde disait que c’était la fin du monde, et raisonner : se dire qu’à un moment il y aurait un semblant de rationalité des conseillers de Donald Trump. Et voilà. En trois semaines, j’ai fait ce que je fais en principe en 12 mois », confie-t-il. Soit environ 150 000 euros.
« Vraiment longtemps que je n’ai pas perdu gros »
Dans l’autre sens « cela fait vraiment longtemps que je n’ai pas perdu gros ». D’après lui, les gens qui perdent beaucoup d’argent sont ceux qui « s’entêtent contre le marché » : alors qu’ils voient leur action chuter, ils refusent de vendre en pariant sur une remontée. Pour parer cet effet, Jérôme reste dans le contrôle : « par exemple : j’achète une action à 110 pour aller à 130. Si elle baisse à 100, je la vends et j’encaisse une perte de 10 euros par action simplement », ce qui peut tout de même représenter sur certains produits « des milliers d’euros ».
Certains jours, Jérôme perd donc de l’argent. Son portefeuille ne se mesure toutefois pas aux pertes journalières mais sur le long terme. « Il y a des positions que je prends à 18 mois, 24 mois, d’autres positions à six mois, trois mois, et celles à la journée ou sur deux/trois jours ».
Pour chaque investissement, le risque et la limite de fonds sont mesurés différemment. « Par exemple pour le risque jour, les positions que j’ouvre et que je ferme sur la journée, je m’autorise grosso modo 1 000 euros », explique-t-il. Sur plusieurs mois, les sommes allouées peuvent être bien plus importantes.
« C’est un métier honnêtement très stressant, émotionnellement très puissant, très fort » dans lequel il faut garder son sang-froid, confie-t-il, « si on réagit émotionnellement, en stressant à chaque baisse, c’est juste impossible ». Si lui aussi a eu ses coups de chauds, aujourd’hui il se dit « avec l’expérience, beaucoup plus cool ».
« Si je n’aime pas le PDG, je n’y vais pas »
Ce métier continue toutefois de lui prendre du temps. Le réveil sonne à 5 heures pour un début de journée autour de 6 heures, dans un bureau à quelques kilomètres de son domicile, qu’il a acheté pour séparer sa vie professionnelle de sa vie privée. Il a logé dans ces 30 m2 un mur de 12 écrans et trois ordinateurs pour surveiller les cours de l’or, du pétrole ou encore du dollar en temps réel.
Jérôme avoue payer plusieurs abonnements Internet rien que pour son travail. « C’est mon côté parano. Quand vous avez connu des fois où il y a une position ouverte et que la connexion plante, c’est très utile. Là je pense que je vais prendre un abonnement par satellite, par sécurité », confie-t-il.
Sa journée commence par une revue de presse et une étude des marchés. « Je regarde les résultats financiers des entreprises, leurs perspectives et j’étudie tout ça pour savoir si ça m’intéresse ou pas, si c’est risqué, si j’achète dans la journée ou pour dans six mois… » Et il n’investit pas n’importe où.
« Je cherche à prendre des positions qui me font plaisir, raconte-t-il, si je n’aime pas le PDG ou si le secteur ne me plaît pas, je n’y vais pas. Typiquement, la chimie je ne touche pas trop. » Il exclut aussi certaines entreprises rentables mais soupçonnées de faire travailler des populations à très bas salaires, « ce sont limite des esclaves ». Toutefois, si « leur management ou leur éthique change, je pourrai peut-être y aller un jour ».
« Warren Buffet à 94 ans il gère 100 milliards de dollars »
Jérôme dit avoir ralenti la cadence ces derniers temps. Lui qui était à plus de 45 h/semaine pendant des années s’autorise des après-midi de libre et « en août je ferme ». Difficile toutefois de couper complètement : « même le week-end je vais m’intéresser à l’actualité, je vais aussi regarder les graphiques. Je peux passer sans problème 2, 3, 4 heures des fois le samedi ou le dimanche là-dessus, même si je ne passe pas d’ordre. »
Le trader voyage peu, mais conserve du temps pour ses loisirs, assez onéreux. « Le golf, l’abonnement c’est 5 000 euros l’année, explique-t-il, j’aime bien parce que c’est en extérieur, ça me sort la tête des écrans ». Il pratique aussi l’équitation et possède deux chevaux en pension non loin de son domicile. Un plaisir qui lui coûte environ 1 000 euros par mois, hors dépenses non prévues. Ses revenus élevés lui ont aussi permis d’être propriétaire de sa maison, de son bureau, ainsi que d’une résidence en Espagne.
Actuellement, il ne se voit pas arrêter le trading. « Je me régale dans mon métier. Warren Buffet (homme d’affaires américain) à 94 ans il gère 100 milliards de dollars. Je veux bien continuer ce que je fais plus de 40 ans avec un immense plaisir. »





