« Une place pour Pierrot » d’Hélène Médigue : « Je n’ai pas fait un film sur l’autisme »

Le très touchant « Une place pour Pierrot », avec Marie Gillain et Grégory Gadebois, en salles ce mercredi, s’inspire de la vie de sa réalisatrice Hélène Médigue, qui a un frère autiste. Mais celle-ci a voulu signer une comédie « universelle » sur la place qu’on se fait les uns pour les autres.

Marie Gillain et Grégory Gadebois dans «Une place pour Pierrot», en salles le 10 septembre 2025. Ch.Lartige/Nord-Ouest Films/France 3 Cinéma
Marie Gillain et Grégory Gadebois dans «Une place pour Pierrot», en salles le 10 septembre 2025. Ch.Lartige/Nord-Ouest Films/France 3 Cinéma

« Mon histoire personnelle, je la trouve moins intéressante que la fiction », assure Hélène Médigue. Dans « Une place pour Pierrot », la réalisatrice de 55 ans, comédienne de théâtre, de cinéma et de télé, connue notamment pour son rôle de Charlotte Le Bihac dans « Plus Belle la vie », met en scène Camille (Marie Gillain). Cette avocate s’occupe de son frère, un autiste de 45 ans. Lorsqu’elle s’aperçoit que Pierrot (Grégory Gadebois) n’est pas heureux dans le foyer où il réside, qu’il y est surmédicamenté et abattu, Camille va le récupérer sans autorisation et l’installe chez elle. Elle se met ensuite à chercher une « place » pour lui. Et repère une maison d’accueil où les pensionnaires pratiquent une agriculture écologique

Dans la vraie vie, Hélène Médigue a un frère autiste, Vincent, de onze ans son aîné. Celui-ci a grandi dans sa famille jusqu’à ses 30 ans, avant d’intégrer des foyers de vie, puis un foyer médicalisé, où il a parfois été, comme Pierrot, assommé par les médicaments. En 2021, la comédienne, qui avait réalisé trois ans plus tôt un documentaire sur l’agroécologie, « On a 20 ans pour changer le monde », a ouvert La Maison de Vincent.

Son frère est devenu l’un des premiers résidents de ce lieu de vie et d’accueil pour adultes autistes, adossé à l’agroécologie et situé à Mers-les-Bains (Somme). En 2024, une autre Maison de Vincent a été créée dans le Luberon. Une troisième doit ouvrir ses portes dans les Landes au printemps 2026.

« Créer des situations est beaucoup plus puissant que de raconter la réalité »

La réalisatrice insiste, pourtant : son film est « vraiment une fiction » : « Je n’ai pas vécu une seule séquence d’Une place pour Pierrot ». Hélène Médigue a souvent « rêvé » d’agir comme Camille et de « faire un hold-up dans un foyer médicalisé ». « Je n’ai jamais pris mon frère chez moi. J’ai réagi de manière plus classique », confie-t-elle.

Si elle trouve que « créer des situations est beaucoup plus puissant que de raconter la réalité », c’est précisément parce que, dans cette scène du coup de sang de Camille, elle a pu exprimer toute la colère qu’elle a longtemps ressentie face aux errances et aux manquements qui ont ponctué la prise en charge de son frère. « J’ai pris beaucoup de plaisir à diriger ma petite troupe dans cette séquence ».

Quand elle était petite, Hélène estimait que son frère était « tout à fait normal » et que « c’était le reste du monde qui dysfonctionnait ». Longtemps, elle a rongé son frein en entendant ses parents rapporter les propos de psys, parfois célèbres, expliquer que son frère était « psychotique ». « On a même dit à ma mère que c’était de sa faute, que mon frère était devenu psychotique pendant la grossesse ou à dix-huit mois », soupire-t-elle. Pour Vincent, le diagnostic de l’autisme a été posé il y a six ans seulement, alors qu’il avait déjà près de 60 ans.



« Je n’ai pas fait un film sur l’autisme », martèle pourtant Hélène Médigue. « D’abord parce qu’il y a tellement de formes d’autisme que c’est impossible à représenter au cinéma. Surtout, parce que ce qui m’importait, c’était de créer un récit autour de ce qui nous relie, de la façon dont on vit avec ceux qui éprouvent des limites. Le plus grand handicap des personnes fragiles n’est pas leur différence, mais le fait que la société ne s’adapte pas à eux. Si Pierrot était bipolaire, schizophrène ou dépressif, ce serait pareil. »

C’est en ayant le projet de signer un film « universel » qu’Hélène Médigue a accepté, à la demande de son producteur Christophe Rossignon, d’écrire un long-métrage sur l’histoire d’une sœur et de son frère autiste. Et qu’elle a souhaité confier le rôle de Pierrot non pas à un vrai autiste, mais à un comédien, l’excellent Grégory Gadebois.

Dans « Une place pour Pierrot », la réalisatrice a imaginé, face à cet adulte dépendant, une sœur, aimante et courageuse… mais certainement pas parfaite, incarnée avec délicatesse par Marie Gillain. « Je ne voulais pas que ce soit une héroïne parce que quand on est aidant, on ne fait pas tout bien ».

« Les personnes fragiles ne sont pas des fardeaux, ce sont des trésors »

Cette femme, elle aussi, trouve sa « place » au fil du film et se réalise. « On ne peut pas être là pour l’autre si on ne prend pas soin de soi. Et les personnes fragiles ne sont pas des fardeaux, ce sont des trésors. Être la sœur d’un frère différent a défini mon identité. Ça a provoqué une quête de sens chez moi », commente Hélène Médigue. Qui, avec l’ouverture des Maisons de Vincent, a réalisé « un rêve de vie ».

Vincent Médigue, lui, a découvert « Une place pour Pierrot » lors d’une avant-première avec l’équipe du long-métrage. « À la fin de la séance, il a pris le micro et a dit : Je trouve que je suis un très bon acteur, sourit la réalisatrice. Il a accueilli le film au bon endroit : il a compris que le sujet n’était pas l’autisme ».

La note de la rédaction :
4/5
« Une place pour Pierrot »,

comédie dramatique française d’Hélène Médigue. Avec Marie Gillain, Grégory Gadebois, Patrick Mille... 1h39.